mardi 21 avril 2015

"Chambers", le nouvel album cross-over du dandy inclassable Chilly Gonzales

En 2012, la parution de Solo Piano II, sa dernière création "classique" tenait du chef d'oeuvre. Trois ans plus tard, l'inclassable pianiste, compositeur et producteur canadien Chilly Gonzales (né en 1972) revient aux instruments acoustiques avec un nouvel album paru sous son propre label (Gentle Threat): Chambers, ou comment "réinventer la musique de chambre romantique avec les moyens de la pop-music".



Rejoint pour l'occasion par les allemands du Kaiser Quartet, Chilly Gonzales se propose de trouver ici une manière avec laquelle ses deux langues maternelles (la pop et le classique), puissent se rejoindre, que l'un se nourrice de l'autre, et vice versa.

Les morceaux présentés se séparent en deux catégories: des mouvements vifs, usants de rythmiques implacables (malgré la présence d'un quintette avec piano), parfois de (fausses) techniques de samples, ainsi que des progressions d'accords fortes, comme dans Advantage Points, Green's Leaves, ou Sample This. Ou tout au contraire, figurent également de délicates élégies comme Freudian's Slippers, Cello Gonzales, ou Sweet Burden ("avec sa longue mélodies ambiguë inspirée par Gabriel Fauré").

Le clip de Advantage Points


Souvent l'écriture du quintette piano et cordes se fait en homorythmie, comme si Gonzales travaillait pour un véritable morceau de pop, un avantage et aussi un inconvénient: en effet, cela donne dans certains morceaux vifs une impression tout à fait ambivalente entre pop et savant, pleine d'énergie; tandis que cela amène souvent certains morceaux lents à des maladresses d'écriture, comme lorsque les instruments jouent à l'unisson sur la même octave comme tout le quatuor dans Sweet Burden, ou bien les deux violons dans Odessa. On notera également que (est-ce dû à la prise de son très proche des instruments ?) parfois le quatuor semble quelque peu fâché avec la justesse (Odessa, ou Sweet Burden).

Aussi, certains morceaux évoquent clairement l'univers de la pop, comme Sample This (ou, selon Gonzales, "vous devriez "headbanguer" sur cette chanson, et imaginer un très gros rappeur chanter par dessus"), ou bien Switchcraft, morceau basé sur un titre du rappeur Juicy J, aux couleurs héroïque, sur lesquelles viennent s'ajouter à l'ensemble une flûte et un cor.

Juicy J.

Car c'est là que réside tout le sel de ce nouvel album, se situant toujours entre deux eaux, entre savant et pop, il apporte des couleurs touchantes et inédites, au sein d'un style profondément personnel. En effet, Chilly Gonzales est un créateur à la pâte véritablement inimitable, que l'on reconnait immédiatement de ses albums de rap à ses tubes "brit-pop" (Working Together), aux deux albums Solo Piano, jusqu'à ce nouveau Chambers.

De plus, qu'il s'agisse de morceaux pulsés ou plus lents, tous les titres développent chacun des ambiances poétiques, tendres et mélancoliques (caractère commun aux Solo Piano), qui rapprochent Chilly Gonzales de ces compositeurs romantiques qu'il aime tant.

On remarquera également ce second degré cher à l'artiste, qui irrigue toute cette démarche de réinvestissement pop de la musique romantique: en effet, chaque morceau est dédié à un illustre personnage, qu'il soit du champ musical (Mendelssohn pour Cello Gonzales, jusqu'à lui-même "Jason Beck" pour Myth Me), ou bien qui en est totalement détaché (John McEnroe pour Advantage Points !).