Tout juste revenu de deux concerts en Suisse au début de la semaine, la Maîtrise de Radio-France, l’Orchestre de Chambre de Lausanne et Bertrand de Billy, faisaient halte à la Maison de la Radio afin de donner un programme d’une extrême cohérence : l’ultime œuvre pour orchestre de Fauré Masques et Bergamasques, suivi du célèbre Concerto pour flûte et harpe de Mozart, puis en deuxième partie, pièce de choix du programme, les Trois Petites Liturgies de la Présence Divine d’Olivier Messiaen.
Gabriel Fauré à son bureau au Conservatoire (1918) |
Commande du Prince de Monaco Albert Ier, et créé en 1919 par
les Concerts du Conservatoire dirigés par Philippe Gaubert, Masques et
Bergamasques (op.112) de Gabriel Fauré s’inscrit au sein d’un divertissement
chorégraphique autour des Fêtes Galantes de Paul Verlaine. Il s’agit pour la
majeure partie de l’œuvre d’un recyclage de tout ou partie de pièces plus
anciennes du compositeur (seule la Pastorale finale est entièrement originale).
Dès l’Ouverture tout en finesse et en élégance, Fauré montre son attachement à
la musique de Mozart, dont la simplicité et la candeur irrigueront la pièce
entière. On appréciera également les clins d’œil plus appuyés, comme ces
clarinettes toutes mozartiennes ouvrant le Menuet. Bertrand de Billy sait
apporter un véritable esprit chambriste et vivifiant à cette œuvre : sa
direction souple laissant respirer une musique qui sans cela s’en retrouverait à cours d’émotion;
d’autant que l’effectif allégé de l’Orchestre de Chambre de Lausanne (5
violoncelles, 4 contrebasses) est véritablement « taillé » pour des œuvres
comme celle-ci.
La flûtiste Sarah Louvion, © Christine Schneider |
Composé en 1778 pour le Comte de Guisnes et sa fille, le
Concerto pour flûte et harpe (KV.299) de W.A. Mozart, avait pour but de mettre
en valeur le jeu instrumental de ses commanditaires, grands amateurs, sans
volonté de virtuosité excessive. Cela se retrouve au sein d’une musique pleine
de grâce, d’élégance, et de simplicité. Du duo Sarah Louvion (flûte), et
Letizia Belmondo (harpe), on retiendra de beaux moments de complicité et d’entente
musicale, exacerbés dans les cadences. De la direction de Bertrand de Billy on
aura apprécié la légèreté des accents (I), la souplesse des timbres (II), et la
fraîcheur du finale, tout en contrastes, grâce à des solistes au jeu espiègle
et malicieux. Véritable « tube », l’Andantino central interprété tout
en finesse, a fait la part belle au superbe phrasé de la flûte de Sarah
Louvion.
En bis, les deux solistes nous ont offert une touchante Pantomime, mélodie tirée d’Orphée et Eurydice de Gluck.
© concert.arte.tv
Olivier Messiaen |
« J’ai une grande admiration pour les voix ravissantes de la
Maîtrise de Radio France. Ces jeunes filles ont une pureté de son et une
musicalité absolument inégalables. Aussi, chaque fois qu’on a donné à Paris ou
en province française mes Trois Petites Liturgies de la Présence divine, c’est
à la Maîtrise que j’ai fait appel, pour les parties de chœur que comporte cette
œuvre. Et chaque fois, c’était un enchantement de jeunesse et de joie ».
Cette phrase, du compositeur Olivier Messiaen (1908-1992), aurait pu s’appliquer
au concert de ce soir, tant l’interprétation de ses Trois Petites Liturgies de la Présence Divine fut
dithyrambique. Basé sur des textes du compositeur lui-même, les Liturgies offrent
un instrumentarium rare : un chœur de femmes (pratiquement tout le temps à
l’unisson), cordes, piano (Claire Désert), ondes-Martenot (Valérie Hartmann-Claverie,
qui tint une des parties d’ondes lors de la création de Saint-François
d’Assise en 1983), célesta, vibraphone, et 3 percussionnistes. Composée en
pleine seconde guerre mondiale (1943-44), cette œuvre baigne pourtant dans une
rayonnante douceur, exacerbée ce soir par la direction de Bertrand de Billy, et
par la poésie des voix de la Maîtrise de Radio-France.
Quant aux solistes
instrumentaux, on se souviendra particulièrement de la prestation de Claire
Désert, dont l’investissement sur chaque note se fit sentir, au sein d’une
partition semée d’embuches. On remarquera aussi les passages solo tout en légèreté
du 1er violon de l’orchestre, François Sochard. Mais ce sont surtout des
superbes alliages entre cet Orchestre de Chambre de Lausanne et la Maîtrise de
Radio-France dont on se souviendra : Dans la première liturgie Antienne de
la Conversation Intérieure, De Billy réussit à tirer dans les moments
pianissimo des couleurs d’une infinie tendresse, tout en contraste avec les interventions
bondissantes du violon solo. A l’opposé, dans la seconde pièce Séquence du
Verbe, Cantique Divin, c’est une musique d’une incroyable jubilation qui se
fait entendre, dont les motifs pentatoniques se transforment petit à petit en une véritable
euphorie (tournoiement frénétique sur « pour nous »), entrecoupés de
véritables montées de couleurs au tempo ralenti. Quant à la Psalmodie de l’Ubiquité
par l’Amour, elle débute par une saisissante impression de cri parlé/chanté,
puis se développe en séquences contrastées, tantôt rythmiques, tantôt éthérées.
Ici De Billy sculpte véritablement le son avec chaque geste, donnant par moment
l’impression de courbes sonores se déployant et se repliant sur elles-mêmes.
Un superbe concert donc, avec au premier plan une Maîtrise de
Radio-France au diapason, au service d’une musique à l’enivrante beauté.
La captation du concert à revoir sur le site d'arte : http://concert.arte.tv/fr/lorchestre-de-chambre-de-lausanne-au-grand-auditorium-de-paris
Pour en savoir plus sur les Trois Petites Liturgies de Messiaen :
http://maisondelaradio.fr/article/les-petites-liturgies-de-messiaen
La captation du concert à revoir sur le site d'arte : http://concert.arte.tv/fr/lorchestre-de-chambre-de-lausanne-au-grand-auditorium-de-paris
Pour en savoir plus sur les Trois Petites Liturgies de Messiaen :
http://maisondelaradio.fr/article/les-petites-liturgies-de-messiaen
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