dimanche 1 février 2015

"Aufgang", concerto pour violon de Pascal Dusapin, par Renaud Capuçon, l'Orchestre Philharmonique de Radio-France, et Myung-Whun Chung

Philharmonie de Paris - 26/01/2015 


 © The New-York Times

     Le premier concert de Myung-Whun Chung et de l'Orchestre Philharmonique de Radio-France à la Philharmonie de Paris était placé sous le signe de la création, avec la première française de Aufgang ("Élévation" en français), concerto pour violon et orchestre du compositeur français Pascal Dusapin, interprété par son créateur et dédicataire, le violoniste Renaud Capuçon.

Année chargée pour Pascal Dusapin (le compositeur fêtant son soixantième anniversaire) qui se voit programmé en de multiples endroits: on pourra noter en premier lieu la création de son septième opéra "Penthesilea" (d'après Kleist) à la Monnaie de Bruxelles, une reprise à Mayence de son opéra "Perelà, uomo di fumo" (2003), une création pour le violon solo de Caroline Widmann à Witten, une autre première, celle en mai d'un concerto pour violoncelle ("An Idea of the North") pour Alisa Weilerstein et le Chicago Symphony; ou bien encore à la Philharmonie de Paris ces prochains mois, en mars la création française d'une suite pour soprano et orchestre tirée de "Penthesilea" ("Wenn Du dem Wind..."), et une "Disputatio" (également en création) pour chœur et orchestre de chambre, basée sur un dialogue entre Alcuin de York et Pépin le Bref !

Entamé il y a plusieurs années, créé finalement à Cologne en 2013 par Renaud Capuçon et Jukka-Pekka Saraste , ce concerto a déjà été joué à de nombreuses reprises à travers le monde, mais n'arrive que maintenant en France.

De facture très classique en trois mouvements distincts (modéré - lent - vif), cette pièce apparait dès maintenant comme une œuvre significative au sein du catalogue du compositeur.

  
 © medici.tv

     Le premier mouvement s'ouvre sur une longue mélodie suspendue dans le suraigu du violon solo, en contraste avec les sombres lignes de violoncelles et de clarinette basse, contrepoint qui progressivement s'étoffe afin de devenir une texture orchestrale enveloppante.
Après ce lent passage introductif s'ouvre une partie plus vive, où s'entrechoquent les rythmes iambiques si chers à Dusapin, aux mélismes au parfum délicieusement modal. Le mouvement s'achève dans une partie lente aux sonorités atmosphériques annonçant le II.

Car c'est dans ce second mouvement, qui selon Renaud Capuçon, emporte le spectateur à chaque représentation, que réside le cœur émotionnel de l’œuvre.
S'ouvrant sur de grands motifs en gammes descendants diffractés au violon solo et à l'orchestre, aux résonances cuivrées, une section plus lente s'amorce, aux sonorités de pizzicati de cordes, évoquant certains passages de Passion (2006). S'ensuit alors un long cantilène, une mélodie dans le médium/grave du violon, d'une simplicité et d'une candeur que l'on a peu l'habitude d'entendre en musique contemporaine. Sur un sombre tapis de cordes graves, le violon commence à proprement parler son "élévation".
Puis soudain tout s'accélère, et ce climat méditatif abouti sur un moment plus agité, où est notamment mis à rude épreuve le 1er violon de l'orchestre (impassible Svetlin Roussev), dans une sorte de duel violonistique avec le soliste. On semble alors entendre un véritable violon à 10 cordes, tellement les tessitures des deux instruments solistes sont entremêlées.
Après un bref rappel du début du mouvement, c'est le retour de la lente et suave mélodie du cantilène, sur lequel vient cette fois s'ajouter une partie de flûte soliste à l'esprit et au phrasé quasi-improvisé (Magali Mosnier impressionnante d'engagement), en contraste avec la lente mélodie aux contours simples du violon, provoquant alors un dialogue poétique à l'expressivité exacerbée. Ce passage s'évanouit alors dans les limbes des harmoniques des violons rehaussés par la crotale jouée à l'archet, renforçant ces sonorités orchestrales, donnant l'impression de sortir parfois tout droit d'un synthétiseur.
Tandis que le mouvement s'achève sur une amorce de l'esprit plus vif du troisième mouvement..

En comparaison, le finale semble plus terne. Ne contenant pas de moments aussi "inspirés" que les deux mouvements précédents, il apparait comme une démonstration de pur virtuosité pour le soliste. L’œuvre se conclu d'ailleurs sur une fin abrupte, laissant l'auditeur quelque peu sur sa faim.

 © Raolo Reversi

     On notera le remarquable investissement des musiciens, et au premier rang duquel, Renaud Capuçon. Depuis quelques années, Renaud Capuçon mène une véritable campagne de créations (inspiré par Gidon Kremer), et a commandité des concertos à de nombreux compositeurs, d'esthétiques profondément différentes, tel que Thierry Escaich, Karol Beffa, Bruno Mantovani, Pascal Dusapin, Wolfgang Rihm, et bientôt Guillaume Connesson. Son investissement et son enthousiasme vis à vis des créations qu'il suscite est immense, et cela se sent, à la fois dans sa manière lyrique et chaleureuse de jouer son superbe "Guarneri del Gesu" (autrefois propriété d'Isaac Stern); mais cela se remarque également chez les compositeurs, qui aboutissent à chaque fois à des pièces de superbe facture, comme ce Aufgang de Dusapin.

http://fr.medici.tv/#!/myung-whun-chung-renaud-capucon-dusapin-brahms

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