dimanche 22 mars 2015

Récital du pianiste Milan Favoccia, avec des oeuvres de Hindemith, Visvikis, Bartók, et la création d'une oeuvre personnelle, composée avec son frère Clélio.

Chapelle Baltard (Église Saint Philippe du Roule)- 8/03/2015

C'était dans le cadre des concerts du dimanche après-midi à la Chapelle Baltard (rattachée à l'église Saint Philippe du Roule) qu'une centaine de personnes étaient venus écouter le récital du pianiste Milan Favoccia. 

Milan Favoccia

Milan Favoccia est né en 1992 à Paris. A 16 ans, après avoir terminé ses études secondaires et remporté le Concours International de Piano C.M.F. (Concours Musical de France), le jeune pianiste se consacre pleinement à la musique; il travaille son instrument avec André Gorog à l’École Normale de Musique de Paris puis avec Marie Paule Siruguet, Bertrand Denis et David Saudubray au CRR de Boulogne Billancourt.
Au-delà de l'interprétation il se passionne pour l'improvisation et la composition, et monte de nombreux projets musicaux aux côtés de son frère. Il étudie actuellement au CRR de Boulogne-Billancourt dans les classes de Naji Hakim (analyse), et Fabien Touchard (écriture), ainsi qu'au CRR d'Aubervilliers-La Courneuve avec Guillaume Connesson (orchestration).


Il proposait ce jour un programme d'une grande cohérence, alliant des œuvres de son premier professeur de piano et d'écriture Demis Visvikis, accompagnées d’œuvres de Hindemith, Bartók, et d'une création, composée à quatre mains avec son frère Clélio.
 

Paul Hindemith
Le concert s'ouvrait avec la seconde Sonate de Paul Hindemith. Composée en 1936, elle est composée de trois mouvements, d'une durée totale relativement brève d'une dizaine de minutes. 
Recelant d'une grande diversité de climats et de caractères (dont les chromatismes évoquent tantôt Liszt, tantôt Bartók), cette pièce offre en guise "d’apéritif" un aperçu du jeu varié de Milan Favoccia, ainsi que de l'esthétique générale du programme développée par la suite du concert. 



Demis Visvikis
Le programme se poursuivait avec quatre pièces du compositeur franco-grec Demis Visvikis. 

Le court Prélude de Cristal (1984) se développe à la manière d'une improvisation, où la main droite semble dérouler un fil mélodique sans interruption (influence prégnante des ragas indiens), sur un ostinato mouvant aux couleurs impressionnistes


           Prélude de Cristal, de Demis Visvikis, par Milan Favoccia, le 8 Mars 2015 en concert à la Chapelle Baltard (Eglise Saint-Philippe du Roule)

S'en suivait deux autres courtes pièces, Aurore Nacrée (2008), aux sonorités de carillons (évoquant par moment la Cathédrale Engloutie de Debussy), et l’Étude n°1 (1983), déluge de virtuosité où les principes du Prélude de Cristal (le côté rhapsodique du flux de notes rapides à la main droite) est appliqué alors à un univers des plus pyrotechniques



Aurore Nacrée, de Demis Visvikis, par Milan Favoccia, le 8 Mars 2015 en concert à la Chapelle Baltard (Eglise Saint-Philippe du Roule)


La première partie se clôturait avec A l'Unisson du Feu (1984). Plus développée que les œuvres précédentes (11min), cette pièce figure parmi les plus belles réussites de Demis Visvikis. Baignant dans une lumière contemplative, la pièce fait se confronter deux thèmes, l'un aux contours sinueux habillé d'harmonies colorées douces amers, le second, au parfum plus diatoniques, à l'esprit dansant, inspiré des musiques traditionnelles grecques. Dans cette oeuvre, le compositeur fait son miel des délicates tournures modales qui donnent son originalité et sa saveur à cette musique; sans pour autant renoncer à un discours dramaturgique, on retiendra de ce point de vue la fin de l’œuvre, avec son passage de virtuosité "lisztienne" et son accord final joué "fortissimo", dans la résonance duquel "réapparaît dans une vision fugitive le premier thème, purifié, ayant traversé le cycle du feu, devenu messager de Vie" (sic le compositeur). Dans cette pièce tout spécialement, le jeu de Milan Favoccia se mue véritablement en un engagement expressif total sur chaque note d'une musique qu'il pratique depuis de longues années et qu'il comprend dans ses moindres détails; son jeu pouvant parfois atteindre des sommets d'intensité, où bien au contraire de fervente douceur.


Clélio et Milan Favoccia
Après l'entracte, Milan Favoccia présentait en création une pièce d'une dizaine de minutes composée en collaboration avec son frère Clélio. Après un motif initial aux tournures de raga, la pièce développe successivement divers mélodies aux contours modaux, dans une atmosphère contemplative et onirique. La parenté avec A l'Unisson du Feu de Demis Visvikis est marquante, toutefois, ce mouvement de Sonate déploie un univers personnel, aux tournures mélodiques sinueuses et aux harmonies voluptueuses (une pièce plus longue intégrant ce mouvement est actuellement en gestation). Le discours est émaillé de modulations colorées, qui font sans cesse voir la musique sous un autre jour, comme un flot lodique infini aux teintes changeantes. On retiendra notamment certains passages marquants, comme la section centrale, faisant tourner sans cesse un motif circulaire aux allures de carillon, à la manière d'une transe obsédante


Béla Bartók
Pour clore ce concert, les deux œuvres de Bartók présentées par le pianiste (la Suite op.14 et les Six Danses dans le rythme bulgare - extraites des Mikrokosmos) formaient une sorte de récapitulation et de verticalisation de toute l'esthétique de ce programme, à cheval entre tonalité et modalité. Le contraste était aussi saisissant entre ces danses pulsées à l'énergie communicative, et la méditation colorée qui précédait. Comme dans le reste du récital, le toucher sensible et investi du pianiste fit mouche, dans un répertoire qu'il connaît là aussi très bien, en tant qu’interprète, mais aussi en tant qu'analyste.

En bis, Milan Favoccia redonna l'Aurore Nacrée, comme pour mettre un point final à ce programme à la conception circulaire, qui s'évanouissait alors dans cette courte pièce de Demis Visvikis, en forme de carillon resplendissant.


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